FORMATION PERMANENTE POUR LES PROFESSEURS
DE MATHÉMATIQUE :
PRÉPARER LA TRANSITION SECONDAIRE-UNIVERSITÉ
DANS LES COURS DE MATHÉMATIQUES
Introduction
Les étudiants qui entrent en première candidature répondent de moins
en moins aux exigences universitaires. Nous entendons par là que non
seulement leurs acquis mathématiques se sont appauvris mais aussi que la
plupart d'entre eux sont démunis par rapport à la méthode de travail à
adopter ou aux efforts à fournir. Même si leurs capacités ne sont pas
remises en cause, force est de constater que les étudiants actuels sont
confrontés à d'énormes difficultés pour suivre le cursus d'une première
candidature.
Notre sentiment a été renforcé par l'étude PISA 2000 de l'OCDE, dont le but
était d'évaluer les acquis des étudiants de 15 ans de l'OCDE dans les domaines
de la lecture, des mathématiques et des sciences. Parmi les 32 pays concernés, le
rapport nous apprend que les étudiants belges francophones accumulent les
contre-performances. Les résultats de nos meilleurs étudiants dans les trois
domaines ciblés sont en-dessous de la moyenne des meilleurs de l'OCDE. De plus,
notre système d'enseignement secondaire apparaît comme inéquitable,
c'est-à-dire que les étudiants socialement défavorisés courraient un risque plus
élevé que les autres de figurer parmi les étudiants les plus faibles. Nous serions
donc impuissants face aux inégalités sociales. Les problèmes de violence et de
décrochage scolaire dans certains établissements ne sont sûrement pas
étrangers à cette situation. Parfois, enseigner devient une mission très
difficile. Les réformes actuelles (la réforme de la formation initiale des
enseignants, la réforme des cours de sciences, l'apprentissage par socles de
compétences,...) permettront-elles de résoudre une partie des problèmes ?
C'est un tout autre débat dans lequel nous ne nous aventurerons pas
ici.
En 1999, grâce à une initiative du Gouvernement de la Communauté Française,
des activités de guidance ont été instaurées dans les universités pour favoriser la
réussite. Nous décrivons ici les actions menées à la Faculté des Sciences de
l'UMH, et plus précisément dans les sections mathématique, informatique
et physique. Nous expliquons aussi les effets positifs ressentis chez les
étudiants.
1 Description du système
Pour éviter que la transition entre l'enseignement secondaire et l'université ne
soit trop brutale, nos étudiants bénéficient d'un encadrement spécifique qui les
accompagne durant toute la première candidature. Les activités qui leur
sont proposées sont réparties en deux périodes. Durant les six premières
semaines de l'année académique, l'accent est mis sur la maîtrise des
mathématiques de base et sur l'acquisition d'une bonne méthode de travail.
Ensuite, les activités sont directement connectées aux cours de la première
candidature.
Signalons tout d'abord que nos préoccupations concernant l'enseignement des
mathématiques nous ont amené à lutter contre l'échec bien avant 1999. En 1994,
Christian Michaux, chargé de cours à l'UMH, a mis sur pied un cours de
Mathématiques élémentaires en vue d'une mise à niveau des étudiants de
première candidature. La décision de création d'un tel cours était née du constat
suivant : les étudiants qui entreprennent des études scientifiques proviennent de
différentes filières d'enseignement. Ils ont, par conséquent, des connaissances
mathématiques très inégales. Au départ, ce cours était facultatif avec une charge
horaire de 30 heures. Aujourd'hui, le cours est devenu obligatoire avec une
charge horaire de 45 heures. Il fait désormais partie du programme de
la première candidature et s'intègre parfaitement dans le contexte du
développement de l'encadrement pédagogique des étudiants. Les sujets de
ce cours sont des notions clés de l'enseignement secondaire considérées
comme des prérequis pour aborder les cours de première candidature,
c'est-à-dire :
- les nombres complexes,
- une introduction à l'algèbre linéaire,
- une introduction à la logique,
- les mécanismes de preuves,
- les fonctions élémentaires,
- la géométrie analytique à 2 et 3 dimensions,
- la manipulation du symbole sommatoire.
Le rythme adopté durant le cours est assez soutenu puisque la matière n'est pas
nouvelle. Le mode de fonctionnement est cependant particulier. Aucun
théorème n'est démontré, l'accent est mis sur la compréhension des concepts
mathématiques, sur l'aptitude des étudiants à les manipuler et sur le
développement d'une certaine intuition. Les points essentiels sont exposés
au tableau et sont entrecoupés de nombreux exercices pour confronter
immédiatement les étudiants aux éventuelles difficultés. Pendant les séances, les
étudiants sont encadrés par l'enseignant mais également par une assistante
pédagogique. Une autre particularité de ce cours est d'y faire participer des
étudiants qui préparent l'Agrégation de l'Enseignement Secondaire Supérieur
et/ou des élèves assistants. Nous estimons qu'une personne supervise ainsi le
travail d'une quinzaine d'étudiants. Cette surveillance constante les encourage à
fournir un effort personnel intense. En retour, ils bénéficient d'une aide
personnalisée.
Durant les six premières semaines, un test de deux heures en relation avec le
cours de Mathématiques élémentaires est organisé chaque lundi matin. Leur but
est d'aider les étudiants à acquérir une certaine régularité et de l'organisation
dans leur travail dès le début de l'année. La matière à revoir pour le test
augmente chaque semaine. Par exemple, celle du troisième test couvre les
trois premières semaines de cours, celle du quatrième couvre les quatre
premières semaines,... Chaque test est suivi le jour même de sa correction au
tableau.
Un examen dispensatoire portant sur le cours de Mathématiques élémentaires a
lieu en novembre. La note finale du cours est la somme de l'examen pour 80% et
des tests pour 20%. L'étudiant qui obtient une note supérieure ou égale à 12 sur
20 est dispensé mais tout étudiant qui souhaite améliorer sa note peut
représenter l'examen en janvier. Dès lors, la note finale devient la meilleure note
obtenue entre celles de novembre et janvier.
En complément au cours de Mathématiques élémentaires, un séminaire de 12
heures est proposé aux étudiants. Des matières du cours y sont approfondies en
utilisant le support informatique et l'algorithmique.
Les cours nécessitant un certain bagage mathématique, comme l'Analyse par
exemple, démarrent en novembre. Les autres cours du cursus sont évidemment
organisés pendant les six premières semaines mais les horaires ont été
adaptés pour y incorporer Mathématiques élémentaires et les tests du lundi
matin.
A partir de novembre, l'aide que nous offrons est centrée sur la compréhension
des cours propres à la première candidature. Durant toute l'année, le lundi matin
est libéré de cours. Comme nous l'avons mentionné précédemment, il est
consacré à des tests d'évaluation jusqu'en novembre. Après, il est dédié à des
séances facultatives de remédiation. Leur organisation est variable et la difficulté
est de s'adapter aux besoins des étudiants. Elles peuvent consister en des
explications complémentaires sur des sujets difficiles, la rédaction de plans de
cours, la résolution d'exercices supplémentaires,...
Les étudiants ont aussi accès à d'autres types d'aide. Des séances supplémentaires
de Mathématiques élémentaires sont organisées entre novembre et décembre pour
aider ceux qui ont échoué à préparer l'examen de janvier. Il peut paraître
inconcevable qu'un étudiant n'ayant pas répondu aux exigences d'un cours dit
élémentaire puisse suivre le cursus de la première candidature. Paradoxalement,
certains échouent en novembre, réussissent en janvier et accèdent à la deuxième
candidature sans problème. Nous expliquons ce phénomène de la façon suivante :
nous avons souligné ci-dessus l'incapacité de beaucoup d'étudiants à fournir le
travail exigé dès leur entrée à l'université et à s'organiser. L'examen de novembre
est un signal d'alarme. Ils prennent alors conscience de la nécessité de s'impliquer
réellement dans leurs études. Ces séances les aident à combler leurs lacunes.
Étant moins nombreux, ils bénéficient aussi d'une présentation du cours adaptée
à leurs problèmes.
A la fin de l'année, des séances de préparation aux examens sont organisées. Les
étudiants y résolvent par petits groupes des exercices supplémentaires ou des
examens antérieurs. Les questions sont spécifiquement choisies pour leur montrer
quel niveau mathématique ils ont atteint et quels types d'efforts ils devront
fournir pour réussir. Les étudiants qui le souhaitent y présentent aussi les
démonstrations des théorèmes importants, ce qui constitue une très bonne
répétition pour les examens oraux.
2 Une analyse du système
Pour résumer, l'aide proposée aux étudiants se compose actuellement des
activités suivantes que nous scindons en deux périodes :
Avant novembre
- un cours obligatoire de Mathématiques élémentaires,
- des tests hebdomadaires et des séances de correction,
- un séminaire.
Ce type d'encadrement tente de faire prendre conscience aux étudiants de tout
l'investissement qu'ils doivent accorder à leurs études et de maîtriser les
bases.
Après novembre
- des séances supplémentaires de Mathématiques élémentaires,
- des séances de remédiation les lundis matin en rapport avec les cours,
- des séances de préparation aux examens.
Cette période est plutôt axée sur l'évolution mathématique des étudiants.
Soulignons aussi que d'un encadrement quotidien jusqu'en novembre, nous
passons, au fil des semaines, à un encadrement hebdomadaire.
Il est clair que la gestion d'un tel programme nécessite un investissement
pédagogique conséquent. À titre exemplatif, les tests hebdomadaires de
Mathématiques élémentaires et l'examen de novembre représentent de nombreuses
corrections en six semaines. En 1999, un poste pédagogique a été créé pour gérer
les activités de guidance. Cela correspond à une charge d'environ 400 heures de
cours sur une année.
Actuellement, nous avons des raisons de penser que notre travail n'est pas
inefficace. Rappelons que, excepté le cours de Mathématiques élémentaires et les
tests, toutes les activités sont facultatives même si elles sont complètement
intégrées dans les horaires. Leur succès n'en est pas pour autant moindre. Le
taux de participation est d'environ 90%. Ce nombre signifie aussi que
si beaucoup d'activités visent au départ les étudiants en difficulté, les
meilleurs profitent également du système. Leur présence aux séances de
guidance leur permet d'obtenir des explications sur des problèmes ponctuels.
Certains y voient aussi l'occasion de découvrir la matière sous un autre
angle.
Une enquête a été réalisée auprès des étudiants en vue d'analyser notre système
le plus objectivement possible. Les résultats pointent tous dans la même
direction : les étudiants estiment que les différents types d'encadrement proposés
ont contribué à les faire progresser tant dans leur méthode de travail que sur le
plan mathématique. Les remédiations sont définies comme le lien parfait entre les
cours et le travail personnel que ceux-ci exigent. L'enquête met aussi en évidence
un phénomène surprenant : la sévérité du cours de Mathématiques élémentaires
(être constamment surveillés, les tests hebdomadaires,...) n'est pas du tout
ressentie comme une punition. Au contraire, les étudiants apprécient
d'avoir un moyen concret de suivre leur évolution et ce, dès le début de
l'année.
Enfin, nous avons un retour très positif des enseignants qui interviennent dans la
section. Leur opinion est que les séances de guidance sont très bénéfiques pour les
étudiants. Elles leur permettent notamment d'acquérir plus d'autonomie et de
structure dans leur travail.
Certaines personnes pourraient s'interroger sur la nécessité de mettre en place un
tel programme. Après tout, l'apprentissage par soi-même n'est-il pas un des
concepts des études universitaires ? Ne sommes-nous pas en train de négliger cet
aspect ? Nous pensons que non et nous sommes convaincus de la nécessité
d'incorporer dans le cursus de la première candidature un soutien aux étudiants
si nous voulons conserver la qualité exigée par la formation. Les étudiants actuels
sont, en effet, préparés différemment de ceux à qui nous donnions cours il y a
encore quelques années. C'est une réalité et il est important d'en prendre
conscience. Bien au delà de leurs carences mathématiques, ils sont de moins en
moins capables de s'imposer les contraintes des études universitaires. Il
y a toujours de bons étudiants mais un encadrement pédagogique tel
que celui décrit ici permet d'observer une évolution très positive chez
des étudiants dont le niveau n'était pas nécessairement exceptionnel au
départ.
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